Talisma Nasreen et Ayaan Hirsi Ali ont été les deux premières lauréates du prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes.
Taslima Nasreen est née au Bengladesh en 1962 ; d’abord gynécologue exerçant dans un hôpital public, puis écrivaine, Taslima Nasreen a reçu des menaces de la part des fondamentalistes islamiques à la suite de la publication de son premier roman, Lajja (La Honte), qui dénonce l’oppression subie par la communauté indoue au Bengladesh. La qualité de son œuvre lui vaut d’être propulsée sur le devant de la scène littéraire progressiste au Bangladesh et en Inde. Elle reçoit des prix prestigieux, parmi lesquels le prix Sakharov pour la liberté de pensée, décerné par le Parlement européen en 1994, tandis que des fondamentalistes brûlent ses livres et réclament sa pendaison. Taslima Nasreen est obligée de s’exiler en Suède, puis à Berlin, Stockholm, New York, et enfin à Kolkata au Bengale, où elle tente d’obtenir la nationalité indienne. Sa vie ayant été mise à prix par un groupe islamiste, elle est actuellement sous protection gouvernementale.
Beaucoup de ses livres sont traduits en français :
. La Honte (1994)
. Lieux et non lieux de l’imaginaire (1994)
. Femmes, manifestez-vous ! (1994)
. L’autre vie : poèmes (1995)
. Un retour suivi de Scènes de mariage, récits (1995)
. L’Alternative suivi de Un destin de femme : récits (1997)
. Enfance, au féminin (1998)
. Femmes : poèmes d’amour et de combat (2002)
. Vent et rafales, récit (2003)
Ces livres confirment le talent engagé et la détermination humaniste d’une femme pour laquelle la liberté reste, comme l’a écrit Simone de Beauvoir, « la fin et le moyen toujours à conquérir ».
Ayaan Hirsi Ali est née en Éthiopie en 1969 et s’est exilée au Pays-Bas où elle est devenue une figure de la scène politique nationale. Élue au Parlement en 2003 comme membre du Parti populaire libéral et démocrate, elle a fait adopter une proposition de loi réprimant sévèrement la pratique de l’excision. Elle a écrit de nombreux articles dénonçant les dangers du communautarisme, qu’elle considère comme un obstacle à l’intégration. De plus, elle réclame pour l’islam d’Europe « une période de Lumières », se définissant elle-même comme un « Voltaire noir », en lutte contre le cléricalisme et l’obscurantisme sous toutes ses formes.
C’est sous protection policière qu’elle a fait publier son livre Zoontjesfabriek, traduit en français sous le titre L’Insoumise (2005), qui lui a valu de nombreuses menaces de mort à cause de ses critiques lucides des relations homme/femme dans la religion musulmane. Par ce livre, Ayaan Hirsi Ali lance un appel aux démocraties européennes, dont la vocation devrait être, selon elle, de garantir, sur tous les plans, la liberté des femmes, quelle que soit leur origine. C’est aussi le sens de son deuxième livre, Ma Vie rebelle (2006), qui témoigne avec force d’un engagement passionné en faveur d’un dialogue réel entre les femmes issues de l’immigration, en particulier celles de confession musulmane, et la société européenne.
En reconnaissant et en récompensant l’audace et l’originalité de pensée dont témoignent l’œuvre et l’action de Taslima Nasreen et d’Ayaan Hirsi Ali, dans le combat pour la liberté de conscience et d’expression, le jury du prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes entend contribuer à mobiliser la solidarité internationale, pour réaffirmer le droit des femmes, garantir la protection de celles qui luttent aujourd’hui au risque de leur vie, et défendre à leurs côtés les idéaux d’égalité et de paix.